Fin du tout-digital : pourquoi le mix media redevient essentiel pour les marques.
- Véronique LARGEAU
- 16 juil.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 juil.

La parenthèse du 100 % digital est-elle (enfin) en train de se refermer ?
Tout laisse à penser que oui. Et tant mieux.
Le sujet refait surface avec le cas Nike, récemment analysé par Théo Lion dans un article qui a circulé largement sur LinkedIn : ROIsme, branding et illusion du tout-digital : pourquoi Nike (et d’autres) font machine arrière.
Son analyse a fait écho à mon propre parcours.
J’ai choisi d’y répondre ici avec un regard de terrain : celui d’une communicante, d’une consultante et d’une formatrice, qui a vécu les différents cycles du marketing digital depuis 15 ans.
Peut-on construire une marque uniquement avec du digital et des KPIs immédiats ?
Le digital pur est un outil formidable pour l’activation.
Mais il est insuffisant pour construire l’attachement et la préférence.
Certaines expériences vivent très bien dans l’univers numérique, et il ne faut surtout pas les rejeter en bloc :
Un concert virtuel dans Fortnite ou Roblox
Un salon 100 % virtuel pour une communauté internationale
Des activations gaming pensées by design pour le digital
Même dans ces cas-là, le digital génère des retombées physiques : ventes, billetterie, retail, objets dérivés.
Mais dès qu’on touche à la construction de marque, à l’expérience, à la relation terrain ou au désir, le tout-digital devient vite une impasse.
Car ce que l’on cherche, ce n’est pas un clic. C’est une notoriété efficace et affective : celle qui fait que les clients penseront spontanément à votre marque quand le moment d’acheter viendra. Peut-être pas tout de suite. Mais au bon moment.
Mon parcours : de l’évangélisation du digital à la défense du mix media
Entre 2010 et 2015, j’ai vécu l’époque de l’évangélisation du digital dans les entreprises.
Il fallait convaincre, embarquer, expliquer pourquoi le web social, le mobile first ou les nouveaux usages n’étaient pas une mode mais un vrai tournant stratégique.
Après 2015, est venu l’excès inverse :
la glorification du tout-digital comme solution miracle.
Le discours était simple : moins de coûts, plus de ROI, traçabilité parfaite.
Avec, en conséquence, la tentation de couper brutalement tout ce qui relevait du print, des points de contact physiques ou des expériences terrain.
Ces deux extrêmes sont des erreurs. Pourquoi ?
Le cas Nike : quand la performance court-circuite la préférence.

Entre 2019 et 2023, Nike a drastiquement réduit ses budgets image pour investir massivement dans la performance digitale.
En 2019, 60 % du budget marketing allait au branding
En 2023, seulement 20 % (BrandFinance)
Conséquences :
25 milliards de dollars de capitalisation boursière perdus en juin 2024 (MarketingDive)
Des marges en baisse, des stocks saturés
Un retour précipité vers le wholesale après l’avoir mis de côté (RetailTouchPoints)
Et un Net Promoter Score passé de 72 à 41 entre 2020 et 2023 (Tracksuit)
La ROIsation de l’émotion : un piège pour les créatifs comme pour les marques ?
Aujourd’hui, on demande aux équipes créatives de produire du clic (CPM, CTR), en prétendant ROIs-er l’émotion.
On confond le parcours client avec un tunnel de conversion purement transactionnel.
Mais certains leviers ne rentrent pas dans un dashboard :
Un échange sur un stand
Un essai en mer
Une discussion avec un revendeur
Une pub vue dans la rue
Un contenu lu dans un magazine
Cela ne se tracke pas toujours.
Mais ça construit la marque.
Ça fidélise.
Et le jour où le besoin se présente, ce sera vers vous que le client se tournera. Pas vers un autre.
Pourquoi faut-il revenir à un mix media réfléchi ?
Vous l'aurez compris, la solution n’est pas de rejeter le digital. Elle n’est pas non plus de revenir au tout-physique.
Ce qu’il faut, c’est un mix media assumé, piloté, ancré dans la réalité des usages :
Du digital pour l’activation et la performance
De l’expérience terrain pour l’affect et la relation
Du contenu incarné pour l’imaginaire de marque
C’est ce que je défends aujourd’hui : une stratégie hybride, lucide, sans dogme.
Conclusion : accepter de ne pas tout mesurer n'est pas tricher.
Tout ce qui ne génère pas un clic n’est pas inutile.
Tout ce qui ne se mesure pas immédiatement n’est pas superflu.
Et parfois, la meilleure stratégie, c’est d’accepter de ne pas tout mesurer.
Vive le phygital !
Véronique.